Sofía – « Quand c’est l’objet qui impose le point de vue : notes saussuriennes sur l’impossibilité des théories linguistiques en synchronie »

Estanislao Sofía – « Quand c’est l’objet qui impose le point de vue : notes saussuriennes sur l’impossibilité des théories linguistiques en synchronie », in The Architecture of Grammar. Studies in Linguistic Historiography in Honor of Pierre Swiggers,  ed. by T. Denecker, P. Desmet, L. Jooken, P. Lauwers, T. Van Hal, R. Van Rooy, Leuven : Peeters (Orbis Supplementa, 47), 2022, XII-560 p., ISBN 978-90-429-4687-3, € 123, p. 409-422
Notice l’Éditeur, avec table des matières.

L’idée selon laquelle Saussure ferait abstraction de toute forme de substance et ne s’intéresserait qu’à des théories construites sur la base de ce qu’il traitera, dans quelques textes ponctuels, comme étant des systèmes de valeurs « pures », est l’une des plus fréquemment évoquées dans l’histoire récente du saussurisme, surtout à partir de la grande découverte de manuscrits survenue en 1996 – qui a eu, entre autres, le mérite de relancer les études sur l’œuvre du maître de Genève, et de contribuer, par là, au surgissement de l’école « néo-saussurienne », dont une des thèses centrales est précisément celle que nous venons d’évoquer. Cette idée pourtant, dont on trouve parfois des développements chez Saussure, appliquée soit au plan phonologique, soit (plus rarement) au plan sémantique, n’est pas une position constante chez Saussure. Elle apparaît dans certains cas seulement, appliquée à des objets théoriques dont on cherchera ci-après à préciser les contours.

On se concentrera ponctuellement sur un texte publié par Saussure en 1897, dont on interrogera aussi les notes préparatoires. On verra que, dans ce texte du moins, la question qui nous intéresse apparaît intimement liée à une problématique épistémologiquement centrale, à savoir le rapport possible entre, d’un côté, les données linguistiques susceptibles d’être attestées, et, de l’autre, le(s) système(s) théorique(s) susceptible(s) d’en rendre compte. Elle préside, en d’autres termes, à la question sur les fondements épistémologiques des théories linguistiques.

Passage tiré des pp. 409-410.