Il y a quarante ans, le 31 mars 1983, au Rivoli Theatre de Broadway, l’un des plus grands et des plus anciens cinémas de New York, a eu lieu la première de Monty Python’s The Meaning of Life (Monty Python : Le Sens de la vie). Le même jour, le critique du New York Times Vincent Canby écrivait : « The Meaning of Life des Monty Python’s est un spectacle monumental, le Ben Hur des films à sketches, ce qui signifie qu’il est un peu disproportionné, un peu comme si l’on construisait le pont de Brooklyn pour traverser une baignoire ».
Dans un entretien de 2013, Terry Jones, réalisateur du film, raconte que l’idée du sketch d’ouverture du long-métrage, dans lequel six poissons de l’aquarium d’un grand restaurant se souhaitent à plusieurs reprises le bonjour, remonte à ses années oxoniennes, lorsque, pendant le cours de linguistique, le professeur avait lu en classe le passage du Cours sur l’identité synchronique :
Lorsque, dans une conférence, on entend répéter à plusieurs reprises le mot Messieurs !, on a le sentiment qu’il s’agit chaque fois de la même expression, et pourtant les variations de débit et l’intonation la présentent, dans les divers passages, avec [151] des différences phoniques très appréciables — aussi appréciables que celles qui servent ailleurs à distinguer des mots différents (cf. pomme et paume, goutte et je goûte, fuir et fouir, etc.) ; en outre, ce sentiment de l’identité persiste, bien qu’au point de vue sémantique non plus il n’y ait pas identité absolue d’un Messieurs ! à l’autre, de même qu’un mot peut exprimer des idées assez différentes sans que son identité soit sérieusement compromise (cf. « adopter une mode » et « adopter un enfant », la fleur du pommier » et « la fleur de la noblesse », etc.).
F. de Saussure, Cours de linguistique générale, Deuxième partie – La Linguistique synchronique. Chapitre III. Identités, réalités, valeurs, p. 150-151